La Commémoration du Cavalier Fonck, fils adoptif de la commune de Thimister.

Dans la commune de Thimister, le sens de la mémoire du passé douleureux des conflits armés reste vivant. Sans doute, à cause du premier belge tombé lors de la Première Guerre Mondiale. Un groupe de jeunes de l’entité a souhaité approfondir cette mémoire en se rendant au camp de concentration du Struthof en Alsace.

 

Chaboteau Dominique

106/2007

La Commémoration du Cavalier Fonck, fils adoptif de la commune de Thimister. (Dominique Chaboteau)

Chaque année, début août, les associations patriotiques avec la communauté villageoise de Thimister commémorent le souvenir du premier soldat belge tombé en 1914. Il s’agit d’Antoine Fonck dont le monument est situé sur l’ancienne route Liège – Aix-la-Chapelle. 38 porte-drapeaux avaient répondu à l’invitation de la Section locale des FNC.

A cette occasion, le bourgmestre a exprimé, devant le monument, combien il était important pour les générations futures de rappeler les valeurs fondamentales pour une société fraternelle. Ce qui fut relayé par l’aumônier Chaboteau lors de la cérémonie religieuse organisée en l’église de Thimister.

Une bonne tradition n’est pas ce qui nous enferme sur le passé mais ce qui fait le terreau sur lequel nous bâtissons l’avenir.
Il était donc bon de se retrouver en ce jour de commémoration du Cavalier Antoine Fonck pour faire mémoire de tous ceux qui ont donné de leur cœur, de leur corps et de leur vie durant les deux grandes guerres. La journée a fait honneur à nos aînés que nous avons la chance d’avoir encore aujourd’hui à nos côtés afin qu’ils nous partagent ce que plus jamais nos sociétés ne peuvent oublier des leçons du passé.

Les participants se sont réunis également dans une église. Ainsi donc, la prière était aussi au rendez-vous. Ils ont voulu par cet événement revenir parler à Dieu de tous les disparus de tant de familles. Celles et ceux qui ont souffert de la violence et qui à cause de cela nous ont quittés pour rejoindre d’autres cieux.

Ce pèlerinage patriotique s’est poursuivi au cimetière où a été inhumé le Cavalier Fonck. Le secrétaire local des Anciens Combattants s’est adressé également à l’assemblée pour la remercier de sa présence mais aussi pour exprimer les questions que pose aujourd’hui la société belge.

La journée a été placée sous le signe d’une mémoire dans le respect du passé mais avec une volonté de construire un monde d’avenir. C’est pourquoi, dans la foulée, un projet à l’adresse des jeunes de la commune a été concrétisé. Fin août, une vingtaine de garçons et filles sont partis à la découverte du camp de concentration du Struthof en Alsace. Une suite de cet élan d’intérêt pour les souffrances d’hier afin de construire un monde plus humain au regard de l’histoire.

Nous retrouverons les différentes interventions de cette journée ci-après. Nous reviendrons ensuite sur le séjour des jeunes en Alsace.

Discours prononcé par le Bourgmestre de la commune de Thimister-Clermont.
(S’adressant aux représentants du Chef de Corps du 2ème Lancier, aux mouvements patriotiques, aux élus communaux ainsi qu’aux autres personnes présentes)

 » 93 ans après la mort héroïque du Cavalier Fonck du 2ème Lancier, le 4 août 1914, nous nous retrouvons à nouveau réunis aujourd’hui pour le devoir de mémoire que nous avons vis-à-vis de lui qui a donné sa vie pour la défense de nos libertés.
La Commune de Thimister-Clermont ne veut pas non plus oublier ce héros et multiplie les gestes pour honorer sa mémoire.
C’est donc l’occasion aussi de nous souvenir de tous ceux qui ont succombés aux horreurs des guerres 14-18 et 40-45 ou qui en ont souffert dans leur chair.

A chaque geste comme celui-ci pour honorer la mémoire du passé, nous répétons  » Plus jamais ça ! » Mais aujourd’hui, cet espoir n’est pas encore prêt d’être rencontré. En effet, des guerres et des attentats ont encore lieu dans toutes les parties du monde comme en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en bien d’autres endroits.

La hiérarchie des valeurs est constamment bousculée. Le civisme disparaît. Le racisme et l’extrémisme renaissent.
Si notre geste d’aujourd’hui est bien sûr important, il est primordial et nécessaire pour chacun et chacune d’entre nous de transmettre aux jeunes générations un message clair qui reprenne les valeurs de civisme, de tolérance, du respect de l’autre, des devoirs de chacun vis-à-vis de la société, du respect du pays, de ses lois et de ses citoyens.
En effet, trop souvent, c’est l’égoïsme et le manque de tolérance qui sont à l’origine de nombreux conflits, qu’ils soient petits ou grands.

Devant ce monument dédié à la mémoire du Cavalier Fonck, puissions-nous nous souvenir de son sacrifice, et mettre en pratique les valeurs pour lesquelles il a combattu.

Je voudrais enfin remercier chacune et chacun d’entre vous pour votre présence ici et spécialement les représentants du 2ème Lanciers.

Didier d’Oultremont, Bourgmestre.

Homélie :  » Commémorer et vivre un chemin d’Evangile comme espérance pour les générations futures »

 » Repose-toi, mange, bois et jouis de l’existence. Mais Dieu lui dit : Tu es fou : cette nuit même, on te redemande ta vie. » Lc 12,19-20
Sans doute cette phrase n’était pas dans la tête d’Antoine Fonck lorsque le matin du 4 août il s’élance sur sa monture en compagnie de ses compagnons d’escadron sur la route qui mène vers Henri-Chapelle.
Il est vrai qu’on se doute que la situation va être difficile depuis qu’on a décrété la mobilisation générale le 31 juillet 1914. Mais on a des chefs, on est confiant. Le Général Leman, commandant de la place de Liège, avait donné l’ordre de diriger vers Aix-la-Chapelle des troupes de reconnaissance qu’il avait préparé depuis plusieurs mois. Même au village de Thimister, il semble qu’on ne se soit pas trop inquiété dans les premiers temps. Mais qui aurait cru ??

Et pourtant au détour du chemin Antoine va voir des Hulans au loin, il les vise et tire. Et c’est le début pour notre pays de la grande guerre et de son cortège de misères et de souffrances. Qui aurait pensé que c’était sa dernière heure ? Qui aurait pu imaginer que … Et pourtant, c’est là qu’il s’arrêtera définitivement sur les hauteurs de Thimister.

C’est ici que l’Evangile de ce jour est révélateur. Il nous rappelle la dimension éphémère de nos vies. Non pas qu’elles n’auraient pas de valeur. Que du contraire ! Mais il nous est rappelé combien nos préoccupations à vouloir toujours engranger et oublier l’essentiel des relations humaines restent du domaine du vent. Quand il a soufflé dessus, qu’en reste-t-il ? Que reste-t-il de nos belles voitures, de notre sentier aménagé dans le jardin ? Que reste-t-il de notre play-station, de la cave à vin qu’on a mis si longtemps à constituer ? du Gsm, de la télévision et de tant d’autres objets dont parfois nous disons ne plus savoir nous passer.

Antoine est parti avec sa seule lance et son cheval, fort de l’amitié de ses compagnons, de sa bravoure et de sa jeunesse pour toute protection. N’est-ce pas là que nous retrouvons les vraies valeurs de l’existence ? Les relations humaines, même quand nous avons tout perdu de nos biens, sont encore ce qui reste de plus fondamental.

Je peux vous témoigner de ce que, en tant que militaire, lorsqu’on on est dans une situation où le luxe ne fait pas partie de la mission, la vérité des relations prend le pas sur tout. Et j’y associe toutes les victimes de la violence des conflits.
Hier, tant d’hommes et de femmes ont donné leur vie pour réaliser ce désir d’un monde plus juste et d’un monde pacifié. Il ont été jusqu’au bout de leur force pour beaucoup. Certains ne sont jamais revenus. Heureusement, ils poursuivent leur route, leur existence en Dieu désormais. Mais pour nous offrir cette existence d’aujourd’hui, ce fut à quel prix ?

Oui, notre vie a de la valeur. Mais elle ne se quantifie pas en chaque chose que nous accumulons. Elle se vérifie dans la qualité qu’elle dégage. C’est tout l’Evangile qui s’exprime ici. Pourquoi a-t-on dit de Jésus plus tard :  » Oui vraiment celui-ci était fils de Dieu » ? Mc 15,39 Et c’était dans la bouche d’un soldat romain. La qualité relationnelle fait la valeur d’une personne. Dans la vie d’un escadron, c’est la cohésion du groupe qui assure l’efficacité de la mission.

Nos vies si importantes aux yeux de Dieu restent fragiles. Qu’elles ne soient pas lieu de vanité mais bien qu’elles offrent aux générations futures de quoi se délecter pour une existence digne en humanité. Non pas pour faire tout et n’importe quoi mais bien pour gérer un héritage reçu d’hommes et de femmes engagés pour notre monde libre. Puissent les générations de demain dire que nous leur avons laissé une terre, une société, des valeurs qui les aident à vivre pleinement. En hommes et femmes debout. En êtres libres et responsables.

Et de rappeler cette maxime indienne :  » La terre ne nous appartient pas. Elle nous est seulement prêtée par nos enfants. »

Dominique Chaboteau, Aumônier Militaire.

Discours prononcé devant la tombe du Cavalier Fonck par le secrétaire de la Section des Anciens Combattants de Thimister-Clermont.

Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs en vos grades, titres et qualités,

Comme le disait Jean Cassou, écrivain et résistant,  » L’écourtement de la mémoire, c’est la mort. L’homme ou le peuple qui a la mémoire courte et qui vit, vit dans la mort, ce qui est pire que de mourir. ». Dans notre commune de Thimister-Clermont, nous n’avons jamais failli au devoir de mémoire qui anime nos consciences. Ce jour en particulier nous sommes encore réunis, 93 ans après que les faits se soient passés, pour commémorer l’action héroïque d’Antoine Fonck, cavalier au 2ème Régiment de Lanciers, tombé sous le feu de l’ennemi le 4 août 1914. Même si plus de 40.000 soldats belges allaient par la suite payer de leur vie la résistance à l’agresseur, le cavalier Fonck constitue un symbole à nos yeux. Un symbole de bravoure, certes, car il n’a pas hésité à affronter un ennemi supérieur en nombre. Mais aussi un symbole de fidélité à la nation, car il s’est refusé à voir notre liberté foulée aux pieds par un envahisseur téméraire.

Des cérémonies comme celle qui a lieu aujourd’hui, il y en a beaucoup. Qu’il s’agisse de la commémoration de grands événements nationaux ou simplement du rappel de faits géographiquement délimités, force est de constater que les divers comités et associations patriotiques mis sur pied un peu partout restent très actifs.

Ces cérémonies constituent en quelque sorte des jalons qui, dans la ligne du temps, guident nos consciences. Il s’agit d’un signe rassurant car, bien que bon nombre d’  » anciens » nous aient quittés, preuve est ainsi faite de l’existence d’une volonté réelle, de la part des générations suivantes, de défendre l’héritage que leur ont laissé les milliers de compatriotes qui ont donné leur vie pour la liberté et l’unité du pays.

Ces cérémonies constituent aussi un lien dans le temps entre les commémorations organisées par les divers groupements patriotiques, lien qui rapproche tous les Belges. Ce lien qui nous unit est particulièrement cher au cœur des nombreuses associations attentives aux agissements de certaines forces de démantèlement qui n’auraient aucune hésitation à encourager, voire provoquer, l’éclatement de la Belgique. C’est la raison pour laquelle les très nombreux mouvements et associations membres du Front Unique National des Anciens Combattants ont adressé, peu avant les élections du 10 juin, un courrier aux diverses instances et partis politiques en leur demandant de faire connaître clairement leur position quant au maintien de l’unité du pays. Soyons donc rassurés : nos dirigeants ne peuvent dès lors ignorer la volonté de nos compatriotes.

Nous constatons la présence parmi nous de nombreux porte-drapeaux : jeunes, moins jeunes, bien allant ou moins alertes, ils sont toujours fidèles au rendez-vous. Au nom de la Section des Anciens Combattants de Thimister-Clermont, je tiens à les remercier chaleureusement car, depuis plusieurs années déjà, ils rehaussent notre cérémonie de leur présence.

Jean Veeschkens, secrétaire de la Section Locale des Anciens Combattants.

Un voyage en barbarie, appel à un engagement aux défis de demain.

Quelques jours après cette commémoration du Cavalier Fonck, une vingtaine de jeunes gens de la commune de Thimister ont pris le chemin de l’Alsace pour un voyage intergénérationnel et civique. Le projet  » jeune » trouvait son inspiration dans les têtes d’Anciens Combattants et des politiques locaux lors d’une précédente cérémonie. Après quelques mois, il voyait le jour grâce au travail de l’Echevin Gaston Schoeurs, de l’animateur des jeunes de la commune Alain Denoël, et de l’Aumônier Chaboteau. Cette démarche se voulait être une rencontre entre les élus, représentants et garants de la démocratie, ainsi que des jeunes désireux de découvrir un pan sombre de notre histoire contemporaine. A savoir : la réalité des camps concentrationnaires.

Le moment fort de ce voyage a été bien évidemment la visite émue du Camp du Struthof dans les montagnes des Vosges. Une prison à ciel ouvert où le prisonnier pouvait admirer par delà les grilles ce qui lui manquait le plus : la liberté. En pleine montagne, dans un paysage de rêve, l’horreur avait planté ses baraquements et ses brimades. La mort avait rendez-vous avec l’humanité dans des sévices et même des expériences pseudo-scientifiques sur les corps humains. Une telle débauche d’énergies pour trouver de nombreux moyens de déshumanisation ne pouvait que déclencher une série de questionnements dans l’esprit de chacun.
Au détour d’un couloir, un ancien combattant belge était de retour sur ce site qu’il avait connu. Appuyé sur sa canne, l’aîné racontait les émotions qui l’habitaient encore aujourd’hui. Il concluait en disant que l’on ne pouvait pas faire mémoire par simple devoir. La mémoire d’hier devait avoir son élan du cœur, un véritable désir, un intéressement pour produire des fruits, pour construire demain par les jeunes générations.
Au retour au gîte où nous logions, nous avons passé la soirée à partager sur ce qui nous avait impressionnés, sur la vie quotidienne et sur la différence avec notre vie actuelle. Un couple d’Alsacien nous avait rejoint pour parler de l’occupation qu’ils avaient connu, de l’intégration pressante vers la Jeunesse hitlérienne dès l’enfance, de l’interdiction de porter des signes francophile,…Nous n’avons pas oublié de mentionner les conflits actuels qui manifestent combien notre monde n’a pas tiré toutes les leçons de l’Histoire. La soirée s’est terminée par une rencontre entre les élus belges et les jeunes afin de pousser la porte de l’avenir. Il ne s’agissait pas seulement de regarder vers le passé mais bien de vouloir porter ensemble, dans le dialogue, la réalité de notre vécu en Belgique. Les jeunes gens ont souhaité pouvoir partager davantage avec nos politiques, pouvoir se rencontrer à l’avenir, et vivre davantage la démocratie de telle sorte à être également acteurs d’une société à visage humain. Une autre manière de s’engager pour éviter les dérives du passé.

Le lendemain, la démocratie était au programme. Nous avons visité la Commission Européenne à Strasbourg, haut lieu de l’expression démocratique, s’il en est. L’hémicycle nous a tendu les bras et nous a permis de comprendre l’importance de l’expression démocratique de chacun. C’est ici que nous nous sommes rendus compte de la construction de l’Europe mais aussi dans ce Conseil de la participation d’autres pays non-européens. Vouloir s’asseoir autour d’une table pour échanger les différences et trouver un chemin de conciliation est d’un intérêt incontestable. La suite de la visite était consacrée à cette ville cosmopolite et internationale qu’est Strasbourg. Son histoire, son patrimoine, sa population, sa situation géographique, son économie, sa vie politique européenne recèlent définitivement d’une ouverture qui dépasse les frontières des états.

Ce voyage était donc une belle prise de conscience de ce que nous sommes aujourd’hui, témoins de la souffrance humaine dégradante mais porteurs d’une grande espérance pour l’avenir de notre société. Vu l’intérêt et la réussite d’un tel projet, il y a fort à parier que l’expérience pourra se réitérer à l’avenir.

Dominique Chaboteau, Aumônier Militaire.

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