60ème Pèlerinage Militaire International à Lourdes (MAI 2018)

C’est avec un cœur différent qu’à l’issue de l’édition jubilaire du Pèlerinage Militaire International de Lourdes des militaires du monde entier ont repris le chemin du retour.   Quelques 15.000 soldats venus de 40 pays s’étaient rassemblés pour la 60ème fois en ce sanctuaire marial par excellence qu’est la cité des rives du Gave de Pau.   Ce fut un moment de rencontre unique autour de la Très Sainte Vierge Marie.

Un peu d’histoire… 

En 1945, un certain nombre de militaires européens qui avaient survécu à la guerre décidèrent de prendre la route de Lourdes pour exprimer leur gratitude à la Vierge et appeler à la réconciliation.   C’est ainsi qu’est né le Pèlerinage Militaire International.   Peu à peu, celui-ci est devenu une valeur sure et une indispensable rencontre annuelle pour les militaires du monde entier.   Le pèlerinage incarne les valeurs de la Fraternité, de la Paix et de l’Espérance.   Au cœur des lieux saints de Lourdes, et surtout durant le mois de Marie, la lumière, la joie et la charité sont au centre de cette rencontre.   C’est le titre de l’Encyclique « Pacem in Terris » qui a été choisi pour maître-mot de ce Pèlerinage, un thème bien actuel…

En 1963, en pleine guerre froide et climat de crise internationale, le Pape et futur Saint Jean XXIII (1881-1963) a adressé au monde une Encyclique prônant la Paix entre toutes les nations ; une Paix basée sur la vérité, la justice, la charité et la liberté ; une paix qui ne peut survenir qu’après rétablissement des relations internationales et prises en compte des droits et devoirs tant des états que des individus.

Ainsi peut-on lire dans le chapitre consacré à la « solidarité effective » (n°98) : « 98 – La vérité et la justice présideront donc aux relations entre les communautés politiques, et celles-ci seront animées par une solidarité efficace, mise en œuvre sous les mille formes de collaboration économique, sociale, politique, culturelle, sanitaire et sportive : formes possibles et fécondes pour notre époque. A ce propos, ne perdons pas de vue que la mission naturelle du pouvoir politique n’est pas de limiter aux frontières du pays l’horizon des citoyens, mais de sauvegarder avant tout le bien commun national, lequel assurément est inséparable du bien de toute la communauté humaine. »

Le pèlerinage Militaire International tel que nous le connaissons aujourd’hui existait alors déjà depuis cinq années et avait depuis suffisamment longtemps assimilé ce message pour répondre aux besoins de dialogue entre les nations et, pour poursuivre cet objectif, se poursuit sans discontinuer depuis 1958.   L’initiative avait ceci d’exceptionnel est qu’elle avait été rendue possible entre des gens susceptibles de porter des armes.

Un pèlerinage militaire… 

Les pèlerinages ont joué un grand rôle tout au long de l’histoire du Christianisme.   Les Chrétiens voulant témoigner de leur foi aux principaux endroits liés à la vie du Christ ou en des lieux symboliques pour l’histoire de l’Eglise.   Partir en pèlerinage, c’est prendre le chemin de la conversion, ressentir le désir d’être plus proche de Dieu et de plus intensément le prier.

A Lourdes, Marie nous invite à – à son image – entrer et se tenir à son service.   Le mot « Service » est loin d’être étranger pour un militaire, car il ou elle sert son pays et les habitants de celui-ci, sait qu’il devra éventuellement être prêt à mettre sa vie en jeu.   Un service qui peut aller loin.

Être au service de Marie signifie être à l’écoute de son message et essayer de le vivre au quotidien.

Le déroulement de notre pèlerinage… 

Durant la célébration nationale d’ouverture, nous avons pris connaissance du thème du pèlerinage et avons été invités tous ensemble et avec Marie à être des ouvriers de Paix.   Durant cette célébration, nous avons pu entendre le témoignage de deux élèves de la Division Préparatoire à l’Ecole Royale Militaire de Saffraanberg.   Pourquoi, en tant que jeune, prendre part à un tel pèlerinage ?   Que s’attendre à y découvrir ?   Des témoignages honnêtes et sincères.   Nous confions les personnes en prière et ce qu’elles sont au Seigneur et à Marie et jouissons de la musique de Trimarrant (3 amis sous-officiers) et d’un quintette de la Musique Royale de la Force aérienne.  Après la cérémonie, nous prenons en procession le chemin de la Grotte où le cierge du pèlerinage sera béni et offert, avant de passer à la photo de groupe.

L’après-midi, nous prenons part à la liturgie solennelle d’ouverture du pèlerinage ; un important moment à vivre !   Une basilique St Pie X pleine à craquer devenant littéralement folle à l’entrée des drapeaux des différentes nations participantes au son des musiques militaires donnant le meilleur d’elles-mêmes et même davantage.   Par moment on se serait cru aux Palais des Sports, tant les acclamations se faisaient entendre.   Mais quand est venu le moment d’allumer le cierge en l’honneur du pèlerinage international, il s’est fait un grand silence.   Un moment fort !

Le samedi matin est traditionnellement réservé à l’onction des malades en la petite église St Jean-Baptiste de Bartrès à quelque 3 km au Nord de Lourdes et où Ste Bernadette Soubirous séjourna en 1844-1846 et 1857-1858.   Pour chacun, il s’agit véritablement du moment le plus important du pèlerinage.   Les malades qui nous ont accompagnés et les plus âgés reçoivent des mains des aumôniers le sacrement des malades.   Les jeunes militaires présents sont sérieusement impressionnés.   Il devient clair pour eux que la maladie est réellement le centre de Lourdes.   Auprès de Marie, l’on cherche espérance et consolation et, durant la cérémonie, l’on se sent soutenu.

Après la célébration, les participants se voient proposé un apéritif offert par le comité organisateur du pèlerinage.   Il est permis de trinquer à notre cohésion !   On parle avec les uns et les autres, on échange des anecdotes … joies et chagrins, espérances et déconvenues, et surtout le plaisir profond d’être ensemble.

A l’issue du repas de midi, un programme intense nous attend :

Les jeunes de Saffraanberg s’en vont s’oxygéner dans la nature, ils partent en bus vers le cirque de Gavarnie (qui était déjà un but d’excursion pour les permissionnaires résidant au foyer du soldat belge à Lourdes durant la première guerre mondiale) ; une solide promenade en montagne, couronnée par la découverte d’une vue paradisiaque, les attend.

Les musiciens profitent du festival de musique pour trouver leur contentement : les pèlerins peuvent profiter de leur belle musique et je dois dire que c’est visiblement avec plaisir que les musiciens font leur métier.   Soit pour l’exprimer avec la devise du Music Band de l’Ecole Royale Militaire : « Gaudium per cantum », la joie par la musique.

Pour la première fois dans l’histoire de nos pèlerinages, nous pouvons participer à une épreuve sportive associant personnes valides et moins valides.   Cet honneur échoit aux officiers élèves de l’Ecole Royale Militaire.   Ils doivent combiner course à pied et épreuves sportives, tout en poussant la charrette d’une personne blessée ou moins valide.   Nul besoin de vouloir être le premier ou le meilleur, c’est l’état d’esprit qui doit primer : comment tous ensemble franchir la ligne d’arrivée ?   Là aussi, l’esprit de service s’avère important.   Les dirigeants de l’Hospitalité Notre Dame des Armées avaient lancé l’idée d’y faire participer une équipe de jeunes militaires et l’honneur en a échu aux officiers élèves de l’Ecole Royale Militaire.   L’esprit de service se manifeste tout particulièrement dans le fait de pouvoir s’abaisser pour autrui.   Les élèves ont dû s’agenouiller à maintes reprises … pour offrir à Vincent, en chaise roulante, un des plus beaux jours de sa vie.   J’avais presque oublié de mentionner que le symbolique signal de départ avait été donné par le passage dans le ciel des avions de la Patrouille de France !   Peu de monde peut se vanter l’avoir vécu, les élèves de l’Ecole Royale Militaire, bien !

Pas de Pèlerinage Militaire International sans cérémonie du souvenir, un moment de silence et de respect pour ceux qui, en tant que militaires, ont risqué leur vie au service de leur Pays comme de la Paix dans le monde.   Hauts gradés, autorités ecclésiastiques et civiles se sont rassemblés au pied du monument au Maréchal Foch pour rendre hommage à ces nombreux héros, connus comme inconnus.   La Belgique était représentée par le Colonel Demeyere et l’Aumônier en chef Van Den Eeckhout.   De jeunes officiers constituaient l’escorte de notre drapeau.   Ensuite, la longue procession des drapeaux et emblèmes encadrés de militaires s’est répandue dans les rues de Lourdes et, spontanément, les gens sur le parcours se sont mis à applaudir et à lancer des encouragements à ces jeunes militaires dont le travail quotidien est de maintenir une Paix précieuse dans un monde en perpétuelle évolution.

Au même moment, les malades se sont réunis pour un chemin de Croix dans la « Prairie », face à la grotte.   Car la croix que les hommes ont à porter leur vie durant n’est pas toujours aisée à supporter.   A l’image du Christ courbé et tombant à plusieurs reprises sous le poids de la croix, il est des gens qui ploient sous celui de la maladie, de la souffrance, du désespoir, de la brisure, de la solitude …   Ils menacent de tomber et ne peuvent plus se relever sans aide.   Nous voulons les soutenir par la prière et, quand cela se peut, les aider à porter leur croix …

Pour beaucoup vient encore un moment extraordinaire : à la tombée du jour, la mise en route de la procession mariale.   La statue de la Vierge Marie est portée au son des prières et des chants.   Chacun y réfléchit à ses soucis, ses souhaits, sa gratitude et prie aux intentions qui lui sont personnelles.   La foi est un lien.   Comme de petites lueurs d’espérance sont portées et haussées vers le ciel.   L’accroissement de cette lumière frappe les gens, réveille leur solidarité, notre ferveur en cette vigile de Pentecôte.   Une mer de lumière couvre l’esplanade devant la basilique.   Si, chaque année, cette procession est l’occasion de splendides images pour les photographes et autres vidéastes, il est à espérer que ces images imprègnent également nos cœurs de manière à ce que comme chrétiens nous puissions faire rayonner la lumière divine, à l’exemple de Marie et de tant d’autres à sa suite.   Puissions-nous, en tant que baptisés et confirmés, également recevoir et diffuser cette lumière.

Après l’impressionnante cérémonie, vient pour chacun le moment calme et intime de l’adoration silencieuse, le moment de se retrouver seul face au Seigneur, présent dans le Pain de Vie.

La chance ne nous est pas souvent donnée de pouvoir célébrer durant notre pèlerinage la grande fête de Pentecôte.   Que cela relève de la divine prévoyance ou d’un heureux hasard, nous avons durant ce pèlerinage jubilaire le privilège de recevoir les dons de l’Esprit-Saint.   La beauté de la liturgie, la contemporanéité et la profondeur de l’homélie de Mgr de Romanet de Beaune, nouvel évêque du Diocèse aux Forces Armées Françaises, la qualité de l’accompagnement musical, l’impressionnante procession des offrandes, terminée par celle d’un soldat français gravement blessé et porté par six de ses camarades, le grand nombres d’évêques aux armées et d’aumôniers militaires présents, mais surtout le fait de prier et chanter ensemble ont marqué tout un chacun.   Tout a été parfait, malgré le très grand nombre des participants et la grandeur de la liturgie.   Chapeau aux organisateurs de cette cérémonie.

Vient ensuite la dernière étape du Pèlerinage Militaire International : la cérémonie d’adieu et l’envoi des pèlerins en mission.   A tous les beaux chants, il y a hélas une fin, mais nous avons pu ressentir ce que fut le miracle de la Pentecôte, car, aussi surprenant que cela puisse paraître, durant ce pèlerinage, 15.000 personnes de nations, de langues et de cultures différentes sont parvenus à s’entendre et à se comprendre mutuellement.   Si cela était encore à démontrer, il semble bien que le langage de la foi des Chrétiens soit universel.

Pendant ce pèlerinage exceptionnel, la présence des musiciens de la Musique Royale de la Force Aérienne a constitué comme une sorte de cerise sur le gâteau d’anniversaire et une apothéose donnant le tourbillon.   Dans une basilique de l’Immaculée Conception comble, ils ont donné un concert placé sous le signe de Léonard Bernstein, alternant des pièces rythmées, un Ave Maria tout en retenue et l’impressionnante puissance d’un Richard Wagner.   Lourdes sait désormais que la Belgique possède également sa Musique Royale de la Force Aérienne et qu’elle était plus que présente, tandis que Mgr de Romanet sait désormais qu’il vaut mieux ne pas jouer du Wagner dans la basilique supérieure.   Je suis convaincu que si la Musique Royale de la Force Aérienne nous accompagne encore, il leur sera autorisé de donner leur concert dans la basilique souterraine St Pie X.   Parions qu’elle sera tout aussi pleine. … !

Ce 60ème Pèlerinage Militaire International et jubilaire sera inoubliable !

Soyons nombreux à nous préparer au 61ème !

Padre Eric Pétré