Recension du livre: Eric de la Maisonneuve, La violence qui vient, éd. Arléa, Paris, 1997, 238 p.
Eric de la Maisonneuve, La violence qui vient, éd. Arléa, Paris, 1997, 238 p.
Comme le suggère le titre, ce livre se présente comme un essai de prospective sur les nouvelles formes de violence. Dû à un général d’Armée, ancien directeur de la Fondation (française) pour les Etudes de Défense, il veut également avancer quelques propositions pour renouveler la réflexion stratégique.
L ‘auteur se livre d’abord à une brève analyse de l’évolution des formes de guerre jusqu’en 1945 (chap.1) et des conflits d’après ’45 dans le cadre de la Guerre Froide (Corée, Pakistan, Moyen-Orient, guerres révolutionnaires (chap.3). De nouvelles donnes stratégiques (la menace nucléaire, la révolution de l’information et les progrès vers un système de sécurité collective) ont, par ailleurs, depuis 1945, changé la tournure et les fonctions possibles des guerres…mais sans espoir de les éliminer un jour (chap.2). De nouveaux déséquilibres (effondrement de l’empire soviétique, déséquilibre démographique Nord – Sud, les laissés-pour-compte du développement technologique et économique) entraînent de nouveaux risques dont, très concrètement, une militarisation sans précédent de la planète (chap.4).
Face à cela, les crises qui affectent notre monde (crise de l’Etat, de la Société, de l’Homme) n’aident évidemment pas à définir les réactions appropriées aux nouvelles menaces (chap.5). Parmi celles-ci, l’auteur se défend de désigner le » Sud » ou le » monde arabo-islamique » mais voit plutôt notre propre décomposition, l’émergence de réseaux de type maffieux (avec ses divers trafics dont celui de la drogue), le terrorisme ainsi que les nouvelles violences sociales pouvant dégénérer en véritables guerres civiles et urbaines. Ces dernières, par exemple, répondent à la règle (la non-règle) des trois D (délocalisation, déprofessionnalisation, délégitimation), à l’inverse de la logique de toutes les armées régulières et organisées (chap. 6 et 7). Celles-ci se révèlent donc impuissantes à réagir efficacement à ces situations malgré la qualité de leur armement, l’importance de leurs moyens technologiques et leur coût… Se contenter de se transformer en pompiers humanitaires n’est évidemment pas une solution (chap.8).
On regrettera que l’auteur ne consacre que ses deux derniers chapitres aux solutions, pourtant fort suggestives, qu’il préconise. Une des thèses est qu’il faut redonner les armes aux seuls soldats réguliers et formés (également formés au respect des diverses Conventions !). Les nouvelles armées pourraient être réduites mais devraient être efficaces, très souples, très adaptables. Le concept stratégique ne devrait plus être celui de la » guerre », ni même celui de la » défense » (les territoires ne sont plus les enjeux les plus stratégiques) mais plutôt celui de la » sécurité », comprise collectivement et dans toute sa complexité. Dans ce domaine, une stratégie de la prévention s’avère capitale. Pour ce, il faudrait développer –et écouter- de bons » observatoires » socio-politiques exploitant réellement et astucieusement les données les plus évidentes (plutôt que de développer de coûteux » services secrets »). Parallèlement, il faudrait développer –et donner une légitimité- à des instituts de réflexion stratégique auprès desquels les futurs dirigeants pourraient trouver formation et recyclage permanent. Souvenons-nous, cite l’auteur, que » l’esprit finit toujours par l’emporter sur le sabre ».